Héliciculture : élevage des escargots comestibles. Du nom scientifique de l’escargot, helix signifiant spirale en grec. Si vous ne lisez que cette introduction, ça vous fera déjà de quoi briller deux minutes en société ! Toutefois, il y a bien plus à découvrir avec Frédéric Marcouyoux dans son élevage à Vernot en Bourgogne, mais attention où vous marchez !

Comment devient-on éleveur d’escargots ?

C’est d’abord une histoire de changement de vie pour redonner du sens à son travail dans un environnement naturel. Chef de projet en informatique dans une PME dijonnaise, Frédéric Marcouyoux ne voulait plus avoir ses yeux rivés sur un écran dans son bureau. Sans aucune connexion avec le monde agricole, et bien sûr sans terre à disposition, il repéra quelques escargots autour de sa maison et de fil en aiguille décida de se lancer dans leur élevage.

Pour cela, il commença par une année de formation au CFPPA de Chateaufarine à Besançon pour préparer un Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA), spécialité production d’escargots (seul un autre centre en France, en Savoie, offre cette spécialité). C’est à l’issue de cette formation, en septembre 2012, que Frédéric Marcouyoux débuta son exploitation. Le BPREA lui permit de finaliser son projet en lui donnant les bases techniques de cette production particulière, bases enrichies depuis par son expérience.

Un élevage plus compliqué qu’il n’y paraît.

Dans une année dite ‘’normale’’, l’éleveur d’escargot perd 30% de son cheptel. Si des clôtures électriques composées de rubans en inox perturbent les plans des candidats à l’évasion, les aléas climatiques ne sont pas maîtrisés par l’éleveur. L’escargot, animal à sang froid, ne supporte pas le gel autant qu’il redoute les grosses chaleurs estivales qui le dessèchent et entretiennent des maladies fatales. La grêle peut lui briser la coquille, pourtant renforcée par une alimentation enrichie en calcaire, alors que le vent violent peut renverser les planches en bois qui lui servent d’abris.

S’il aime l’humidité, les pluies trop abondantes peuvent entraîner des noyades dans les flaques d’eau. L’escargot est de surcroît un mets goûté par de nombreux prédateurs : des oiseaux de toute sorte, dont on peut se prémunir grâce à des filets, aux rongeurs en tout genre. Pour lutter contre les rats, ces éternels opportunistes, Frédéric a choisi de mettre à découvert les environs de ses parcs en y faisant brouter des moutons. Ainsi les rats deviennent eux-mêmes des proies plus aisées pour leurs prédateurs. Ce n’est qu’un exemple de ces solutions naturelles que Frédéric Marcouyoux affectionne.

A la recherche d’un équilibre naturel.

D’autres animaux facilitent le travail de l’éleveur : des lapins sont introduits dans les parcs au moment de la récolte des escargots, à l’automne, pour manger le couvert végétal semé par l'éleveur pour nourrir ses gastéropodes. Cela permettra de débusquer plus facilement le produit de mois d’élevage. Les escargots absents, les moutons, aidés par la volaille, viendront terminer le travail et faire place nette pendant l’hiver.

Frédéric Marcouyoux met en place dans ses parcs une rotation avec la culture de la fraise qui profite ainsi d’un sol enrichi par les déjections des escargots. Aucun autre engrais ou traitement divers ne sera fourni à ces plants de variétés rustiques et goûteuses.

Ce type d’interaction est toujours recherché par notre éleveur : c’est aussi pour protéger ses parcs et abriter ses habitants du soleil et du vent, qu’il plante des arbres fruitiers dont il utilise la production, comme ses fraises, pour confectionner de délicieux sorbets.

Cette activité, mise en place en profitant d’un équipement de surgélation déjà utilisé avec les escargots, se révèle parfaitement complémentaire à sa production principale. Alors que les escargots grossissent tranquillement pendant l’été, notre éleveur et son épouse Virginie peuvent mener à bien une production de sorbets que l’on s’arrache sur les marchés.

Fréderic Marcouyoux aime tant jouer au « chef d’orchestre » avec la nature qu’il a aussi déposé des ruches non loin de ses arbres fruitiers pour en faciliter la pollinisation ! Et l’on profitera du miel obtenu pour sucrer les sorbets… « La nature est bien faite » !

La valorisation du produit escargot : une série d’étapes réalisées manuellement.

Les fêtes de fin d’année dopent la consommation des escargots que notre éleveur propose avec divers accommodements. Mais avant de passer en cuisine, l’escargot aura fait l’objet d’une préparation longue et minutieuse. En premier lieu la récolte : elle se fait entièrement à la main, et si notre éleveur installe des allées de bâches noires (qui en absorbant la chaleur repoussent les mollusques) afin de mieux circuler dans ses parcs, un faux pas est toujours possible… Il en ramasse plus de 400 000 par an, principalement aux mois de septembre et octobre.

Les escargots sont alors placés pendant une à deux semaines dans un local sec et froid où ils s’endorment. Puis vient l’abattage à proprement parler qui consiste à mettre les escargots endormis dans un bain d’eau bouillante pendant dix minutes. Leur chair attendrie, ils sont ensuite décoquillés un par un, puis triés selon leur calibre et les belles coquilles mises de côté. Leurs viscères enlevées seront mêlées à de la paille pour former un compost étendu au pied des arbres fruitiers : toujours cette « boucle » naturelle chère à Frédéric Marcouyoux. Pour être bien nettoyée, la chair des escargots sera blanchie et brassée à deux reprises.

Après cette étape, une partie de la production peut être surgelée pour être beurrée plus tard dans la saison, mais Frédéric privilégie le travail en continu sur une semaine. Il réalise alors une préparation au court-bouillon le mercredi pour donner de la saveur et encore attendrir nos escargots. Les jeudi et vendredi les verront préparés de façon variée, Frédéric a une recette de cake réputée, le beurrage à la farce bourguignonne restant toutefois un produit demandé et représentant à lui seul un tiers du chiffre d’affaires.

L’absence d’intermédiaire pour ses ventes, ajoutée à la maîtrise complète du processus de production, donne une belle rentabilité à l’entreprise lui permettant d’employer trois personnes à temps plein, soutenues par trois ou quatre saisonniers en fin d’année.

Frédéric Marcouyoux, qui a déjà pris un associé en la personne de Bruce Duvic, formé sur l’exploitation dans le cadre d’une reconversion professionnelle, s’est engagé dans la création d’une Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) permettant des investissements lourds comme un autoclave, et la construction de locaux de stockage. Le travail en commun permet des économies mais il favorise aussi des échanges fructueux. Ces rencontres, Frédéric Marcouyoux les apprécie également lors des visites organisées de ses parcs, à l’issue desquelles il n’hésite pas partager sa production, accompagnée d’un petit vin blanc, bien sûr !