Ne vous fiez pas à son air de titi parisien, avec sa casquette à la gavroche toujours posée sur la tête, Ludo connaît très bien son affaire ! Formé jeune à la viticulture, il a par la suite développé un savoir précieux, qu’il partage volontiers, dans la culture du blé et dont profite sa compagne Marie, devenue boulangère.

En terrain hostile ?

Lorsqu’il reprend une exploitation familiale viticole en 1995, Ludo est gérant d’un magasin de vin. Travailler dans les vignes est un saut dans l’inconnu pour lui. Du reste, il va vite s’y ennuyer, mais c’est alors qu’un coup du destin va le pousser à évoluer. Suite à la surproduction de vin des années 2000-2002, il décide de se lancer dans la culture du blé. « Cela a bien fait marrer autour de nous », confie Ludo, le Beaujolais n’étant pas réputé pour être une terre à céréales. Ludo a enrichi ses champs en y semant du trèfle et de la luzerne qui apportent de l’azote au sol, avec des rotations longues.

Cet engrais vert, finalement broyé et tassé sur place, fertilisera le sol et limitera l’apparition des adventices. Ces terres « pauvres » sont même devenues un avantage puisque la variété de céréale acclimatée par Ludo n’en est que plus résistante aux maladies, ce qui est très intéressant pour cette culture bio.

Une fois moissonné par un prestataire minutieux, le blé est stocké au nord et ventilé afin de le refroidir pour briser le cycle de développement du charançon.

Small is beautiful

Le blé ainsi préservé sera lentement transformé en farine dans le moulin Astrié de Ludo au rythme de quinze kilos par heure. Et seulement tous les deux mois, pour éviter la prolifération des mites, le moulin étant entretemps soigneusement nettoyé et débarrassé d’éventuelles moisissures.

Pour Ludo, il n’y a pas de doute, c’est la taille réduite de son exploitation qui lui permet de prendre son temps : le temps « de refaire sa terre », de sélectionner ses céréales, ou encore de garder son blé en stock plusieurs mois avant de le moudre. Prendre son temps est un luxe qui aboutit à un aliment plus « équilibré ». Cela veut dire aussi être raisonnable dans ses investissements et donc travailler avec de vieilles machines qu’il faut parfois réparer soi-même.

Le pain, le vin, les copains

Ces trois « ateliers », comme dit Ludo, se partagent la semaine de travail : du lundi au mercredi dans les vignes, les jeudi et vendredi les fournées de pain, et le samedi les « copains ».

Ludo parle ainsi des groupes d’au moins vingt personnes que le couple reçoit en « accueil fermier » pour une table d’hôte.

Ce contact direct avec ses « consom’acteurs », Ludo et Marie l’ont aussi dans la vente aux AMAP, avec les avantages que l’on sait pour les deux parties : favoriser l’économie locale, connaître l’origine du produit et diversifier son régime alimentaire pour le consommateur, circuit court et appréciations positives de l’acheteur pour le producteur.

Des principes appliqués à la fabrication du pain

On le sait, pour faire du bon pain il faut un bon four (à bois évidemment). Celui construit par Ludo et un ami expérimenté dans ce domaine est à « l’échelle » de l’exploitation : petit et artisanal. Il a une sole ovoïde pour supprimer les angles morts et possède un gueulard qui, une fois le four chaud, sera remplacé par une gamelle d’eau humidifiant l’atmosphère, afin que le pain ne « croûte » pas trop vite.

Ce pain est le résultat d’un lent processus dirigé par Marie. Penchée sur ses seaux (il ne faut pas avoir mal au dos !), elle pétrit à la main sa farine mélangée avec du sel (qu’elle pèse), le levain et l’eau (quantifiés au jugé).

Elle pétrit peu de temps (c’est « très physique ») mais souvent, ce qui permet à la pâte de ne pas s’oxyder et de conserver ses arômes. Ce « respect » de la pâte se manifeste aussi dans le temps de levée : 8 à 10 h l’été, jusqu’à 18 h l’hiver.

Le pain en est aussi plus digeste. Vient ensuite le façonnage qui dure approximativement le temps d’allumer et faire chauffer le four. Après avoir coupé la pâte, Marie fait danser les pâtons sous ses doigts pour former des boules harmonieuses. Plus le pâton sera gros, plus il y aura de mie, mieux il se conservera.

Viendra enfin la cuisson, complexe car dépendante de facteurs multiples, elle est aujourd’hui bien maîtrisée par Marie. Mais, en conclusion, Ludo nous avertit : la diversification qu’il apprécie tant réclame des techniques qu’il vaut mieux acquérir avant de démarrer l’exploitation : « On ne perd pas de temps quand on se forme ».